Le territoire et le genre

L’analyse du territoire ne peut se contenter de statistiques : combien d’habitants ou d’emplois, quels types d’activités ou de logements, etc. Il est ainsi très important, pour bien comprendre son organisation et son fonctionnement de s’intéresser à la manière dont l’espace est pratiqué par les hommes et les femmes qui le parcourent et l’habitent. En effet, les géographes ont depuis quelques temps maintenant montré que la ville était un espace pratiqué et perçu différemment en fonction de son genre. Malgré une prise de conscience récente, cette pratique différenciée reconnue par les chercheurs est encore trop souvent absente des préoccupations des aménageurs et des réflexions des responsables politiques.

La géographie sociale s’est emparée de ces problématiques dans les années 1980 : les géographes ont alors montré que les femmes ne vivaient pas la ville comme les hommes. C’est notamment le cas lorsque l’on aborde la question de la mobilité :

  • les femmes sont souvent en mouvement dans l’espace public pour accompagner les enfants à l’école, à la crèche, aux sports ou faire les courses… ou pour éviter de rester seules dans un espace où elles pourraient être victimes de harcèlement.

  • les hommes sont plus facilement statiques sur des bancs, dans des cafés ou simplement dans la rue.

Les modes de transport sont également différents en fonction du sexe :

  • les femmes privilégient les déplacements en voiture individuelle et lorsqu’elles sont à pied, elles le sont de préférence en groupe.

  • les hommes en proportion utilisent beaucoup plus les deux-roues motorisés et les vélos.

C’est aussi la perception de l’espace urbain qui diffère. Les femmes évitent certains lieux car elles ne s’y sentent pas en sécurité à cause d’une mauvaise réputation, d’un éclairage insuffisant ou encore de l’isolement de ces lieux.

De cette perception, découle une temporalité différente dans l’usage de la ville : passée une certaine heure, les femmes se font beaucoup plus rares que les hommes dans l’espace public.

Ici ou là, des groupes pluridisciplinaires commencent à se mettre en place pour penser différemment l’aménagement des villes. Ces équipes, composées de géographes et d’urbanistes, sont de plus en plus consultées pour aménager ou rénover certains quartiers ; et elles prennent en compte le point de vue des femmes. La ville est alors pensée sous l’angle de la géographie sociale afin de la rendre plus inclusive. L’éclairage public est retravaillé, le mobilier urbain adapté ou encore les mobilités sont imaginées en fonction des pratiques des femmes.