Le département et la région : quelles réalités géographiques ?

Si nous avons dans un premier temps proposé une réflexion historique sur les départements et les découpages administratifs que vous pouvez lire ou relire ici, nous croyons qu’il serait particulièrement intéressant de porter également un regard géographique sur ces questions.

Les débats autours des réformes territoriales à venir ne se font pas sans heurts et sans difficultés. Avant le mois de mars 2015, on parlait ainsi d’une suppression des départements, cet échelon administratif issu de la Révolution française. Même si la récente loi ne le fait pas disparaître, il semble toujours mis en péril avec les projets de constitution de grandes régions dominées par une métropole. Ces deux évolutions, souvent décrites comme nécessaires à une meilleure intégration des territoires à la mondialisation entraînent de nombreux questionnements.

La volonté de mettre sur pieds une grande région avec à sa tête une métropole peut sembler logique voire souhaitée par certains géographes, cependant elle va à l’encontre des constats géographiques actuels. En effet, les métropoles sont aujourd’hui de moins en moins connectées à leur espace régional, c’est particulièrement le cas de Toulouse où le poids de l’industrie aéronautique est déterminant, qui profite de la présence du consortium européen EADS, mais qui ne dispose pas véritablement de relais régionaux car la plupart des villes régionales sont des villes moyennes proposant peu d’emplois métropolitains. Plus généralement, on observe la mise en réseau des grandes métropoles au sein d’un Archipel Mégapolitain Mondialou AMM décrit depuis les années 1990 par le géographe Olivier Dollfus, et donc un fonctionnement qui peut se détacher du territoire dans lequel elles sont implantées pour lui substituer des relations entre les villes de l’AMM. Les décisions administratives ne suffisent pas et l’objectif politique ne garantit en rien une réalité géographique.

Dans le cas des réformes départementales, la situation est différente, surtout on y découvre des citoyens locaux qui s’y font une place importante. Outre des racines anciennes et un héritage qui remonte à un évènement fondateur et glorieux de l’histoire de France (si vous nous avez bien lu, vous savez que nous parlons ici de la Révolution de 1789, sinon suivez ce lien), les compétences des départements sont également au centre de l’attachement citoyen qui s’est exprimé lors du 1er tour du 22 mars 2015 des élections avec un taux d’abstention sous les 50%, moins élevé que ce que les politologues imaginaient. Finalement la loi qui devait les faire disparaître a peut-être renforcé la spécificité des départements en maintenant de leur compétence des secteurs proches des citoyens notamment la gestion des collèges et une grande partie de l’action sociale. Un exemple nous semble éclairant : dans le domaine économique, seule la région peut désormais apporter directement des aides aux entreprises, le département est dépossédé de ce levier qui s’il est peut-être important, n’en est pas moins assez éloigné de la vie quotidienne d’une grande majorité des citoyens. À l’inverse, le département s’occupe de la prise en charge des situations de fragilité, de la gestion des allocations comme le RSA (revenu de solidarité active).

Au-delà des récentes réformes territoriales, mais aussi des différentes voix qui s’expriment  autour de la place de la métropole, du département ou de la région dans l’organisation territoriale de la France, la géographie permet à tous de se rendre compte du rôle de l’espace et de ses représentations dans l’identification à un territoire, dans l’identité métropolitaine, départementale ou régionale. Il est par ailleurs intéressant de noter que ce processus d’identification territoriale traverse toutes les catégories de la population…

… de l’Assemblée nationale… aux disques des rappeurs !