Le département ou l’histoire d’une identité territoriale forte

Les 22 et 29 mars 2015 auront lieu les élections départementales dans un contexte particulier pour les départements car jusqu’au vote de la loi NOTRe (pour Nouvelle organisation territoriale de la République) on a pu penser que le département allait disparaître. Il semblerait que non, ce n’est pas encore la fin de ce niveau administratif qui est un enfant de la Révolution française.

La Révolution de 1789 est un événement total qui renverse les pouvoirs, la société, l’économie, mais également l’administration de la Nation française. Il s’agit de modifier les rapports des Français, devenus citoyens, au pouvoir et au territoire. Deux entités sont alors dans le viseur des législateurs : la paroisse et les États provinciaux. La première est remplacée par la commune, un espace politique laïque de proximité. La seconde voit la création des départements.

Déjà dans les cahiers de doléances qui sont rédigés par les trois états (clergé, noblesse et le tiers) pour le roi, l’inégalité des territoires et de la fiscalité est régulièrement pointée du doigt. Pour les révolutionnaires, l’abolition des privilèges s’accompagne aussi de l’unification du pays et de la liberté du commerce entre les départements. Finalement, on retrouve alors des débats tout à fait actuels sur la taille du découpage administratif et son adaptation à la modernité. Aujourd’hui, on se demande si les régions françaises ne sont pas trop petites pour le développement dans une économie mondialisée en comparaison des grandes régions européennes. À la fin du XVIIIe siècle, on pose la question de l’unification du territoire : des découpages de l’espace national, des poids et mesures ou encore des impôts.

L’unité de la nation s’impose alors autour d’un État centralisé, tandis que la commune se veut l’expression de la démocratie locale. Entre les deux, le département joue le rôle d’interface, il met en contact l’État et la population. Sans rentrer dans les problématiques récentes sur la place, la taille et la forme des territoires administratifs les plus efficaces pour l’administration du pays, je vous invite à regarder de plus près une partie des discussions qui s’expriment à la fin du XVIIIe siècle. Dans un souci d’égalité, les révolutionnaires étudient d’abord la mise en place de départements en forme de carré, un découpage géométrique et artificiel.

© Centre historique des Archives nationales

La carte ci-dessus, réalisée en 1780 par le géographe Robert de Hesseln inspire les législateurs : la France est divisée en 81 « contrées » elles-mêmes divisées ensuite en districts puis cantons. Si le carré est finalement abandonné, en revanche, on conserve l’idée d’égalité qu’il représente.

© Centre historique des Archives nationales

Ainsi, la superficie des départements est définie selon un principe qui reprend l’image d’une figure géométrique aux côtés égaux : il faut que le chef-lieu soit d’un accès facile, on doit pouvoir s’y rendre, de n’importe quel endroit du département en une journée de cheval. Depuis 1789, la société française a évidemment profondément évolué, pourtant on peut relever une grande stabilité des découpages des cantons et des départements, hormis la création des départements d’Outre-Mer en 1946 aux Antilles, à la Réunion ou la Guyane et en Ile-de-France en 1968. Cette stabilité et cette histoire ancienne ont participé à forger une identité territoriale forte des départements, expliquant en grande partie que cet échelon, qu’il soit adapté ou non, est avec la commune l’un des mieux perçus par les citoyens français.