Aménagement et débat public ou l’ingénieur et le citoyen

Le réchauffement climatique et la transition énergétique dont on parle beaucoup autour de la COP21 conduiront nécessairement à de nombreux aménagements, à la mise en service de nouvelles infrastructures de production d’énergie. On peut penser aux grands projets d’éoliens comme celui qui se développe au large de Dieppe – Le Tréport (voir sur le site du débat public) issu d’un appel d’offres lancé par le ministère de l’Écologie et du Développement Durable.

Source : ministère de l’Écologie et du Développement durable

Aujourd’hui les grands aménagements passent de plus en plus souvent par un débat public préalable qui est une procédure particulière et assez compliquée pour le maître d’ouvrage qui doit faire face aux opposants qui disposent alors d’une tribune pour présenter leurs arguments. Dans le cas du projet éolien de Dieppe – Le Tréport, il s’agit notamment des professionnels de la pêche, mais aussi des élus locaux ou de ceux qui considèrent les éoliennes comme une « pollution urbaine » qui viendrait gâcher « le dernier espace de liberté du regard » les comparant à un « sapin de Noël », à « Las Vegas » (les citations sont extraites du bilan du Débat public). Une fois les éoliennes construites, il faudra apporter l’électricité produite jusqu’aux consommateurs… et organiser d’autres débats publics pour la construction des lignes THT ?

Grâce à la Commission Nationale du Débat Public (la CNDP), les aménagements décidés par le haut, par l’État et l’Union Européenne, passent donc à la moulinette locale et font l’expérience d’une démocratie technique dans laquelle les citoyens valent autant que les scientifiques, où les arguments paysagers égalent les graphiques des ingénieurs. La CNDP a d’ailleurs réalisé un colloque en 2014 sur le rôle du citoyen dans la décision publique et mis en ligne des extraits comme celui que nous vous partageons ci-dessous.

Les problématiques qui ont été développées par les différents intervenants ou qui ressurgissent à chaque débat public sont au cœur de la géographie car bien plus qu’apprendre à placer des capitales sur une carte, elle nous invite à croiser et imbriquer les différentes échelles d’analyse, du local au global. Une expertise géographique de l’élaboration et la mise en œuvre de ces projets montre en effet :

  • des enjeux globaux ; le réchauffement climatique et la transition énergétique qui engendrent des déclarations de principe et des actions concrètes (par exemple un appel d’offres pour l’éolien)
  • des défis locaux ; la définition de projets d’aménagement soutenant les objectifs du développement durable et leur acceptation ou leur refus par les acteurs régionaux concernés

Toute la difficulté est de parvenir à réunir ces deux logiques, un projet réussi est un projet qui est réalisé tout en étant accepté socialement car on ne peut pas aujourd’hui réaliser un aménagement rejeté localement. Un tel succès suppose une grille de lecture qui évite les jugements à l’emporte-pièce sur les positions des différentes parties, mais aussi une information claire et mesurée des porteurs de projets qui doivent être capables de souligner les intérêts de tous, à toutes les échelles : autrement dit une formation, une présentation et une pédagogie appuyées sur la géographie.