Les véhicules électriques, une réalité d’aujourd’hui imaginée hier

L’histoire de la voiture électrique est maintenant ancienne, on en trouve les traces dès les années 1830, date à laquelle un premier prototype électrique est élaboré par un Écossais, Robert Anderson. C’est en France ensuite que cette histoire se poursuit avec plusieurs améliorations des batteries qui permettent d’envisager des véhicules plus autonomes. Nous sommes alors à la fin du XIXe siècle et la voiture électrique a le vent en poupe, le temps des inventions laisse peu à peu la place à celui de la commercialisation, aux États-Unis notamment où, en 1900, un tiers des voitures vendues sont électriques ! C’est le cas du modèle Electrobat dont la vitesse culmine à plus de 30 km/h.

L’Electrobat, 1894

Au même moment, la « Jamais contente », construite par la Compagnie générale belge des transports automobiles Jenatzy et conduite par Camille Jenatzy dépasse les 100 km/h : c’est la première voiture qui atteint cette vitesse ; et elle est électrique.

La Jamais contente, 1899

Ce n’est pas une exception car l’efficacité de la voiture électrique est alors régulièrement démontrée et outre les records de vitesse, on organise également des courses où elle s’illustre. Camille Jenatzy y est d’ailleurs un pilote remarqué comme lors de la course de Chanteloup qui est racontée dans le journal L’Ingénieur civil : « il y avait là les champions les plus autorisés et les plus convaincus des records de vitesse. […] Le triomphe de l’électricité est donc complet ». Son véhicule équipé d’un accumulateur Fulmen pèse 1 800 kg (neuf fois plus que le concurrent qui arrive en deuxième position !) et roule à une moyenne de près de 30 km/h pour avaler les lacets de la côte de Chanteloup en moins de 4 minutes. Une performance qu’aucune des autres voitures, toutes à pétrole, ne parvient à atteindre.

Course de Chanteloup, 1898

Mais l’auteur de l’article qui relate cette victoire termine son papier par un paragraphe moins optimiste « un souhait pour terminer : Assez de courses comme cela, construisons des voitures, fabriquons surtout des batteries légères et durables et qu’enfin l’énergie électrique soit sérieusement appliquée dans la locomotion sur routes ». La voiture électrique est aussi critiquée pour sa vitesse réduite, comme en 1897 lorsqu’un ingénieur, le Baron d’Alten commente les modèles Elieson : « Quant à leur capacité de parcours, elle est plutôt faible : 48 kilomètres, de course totale, c’est peu, et 13 kilomètres à l’heure ne réalisent pas une allure vertigineuse. Ce n’est pas là vraiment un triomphe pour l’électro-motion, et je préfère, pour ma personne, une bonne automobile à pétrole, dût-elle me secouer un peu. »

Au-delà des performances sportives et des critiques, on aperçoit des taxis électriques à New-York à la fin du XIXe siècle et, en France, des initiatives s’organisent, notamment autour de la Compagnie Générale des Voitures de Paris pour la production de fiacres électrique.

Taxis électriques à New-York,  1897

Cependant, des problèmes techniques liés aux accumulateurs font échouer le projet. Une des grandes questions que se pose la société est de savoir comment organiser la répartition des stations de recharge : créer plusieurs stations dans l’intérieur de Paris, ou bien établir une ou deux puissantes usines dans sa périphérie ? L’implantation des bornes de recharge est donc aujourd’hui comme hier, une problématique centrale. Elles peuvent faciliter le succès des véhicules électriques en les rendant pratiques et efficaces.

Station de charge à Paris, 1899

Au début du XXe siècle, même si la voiture électrique a encore des adeptes, les doutes sont de plus en plus importants, d’autant qu’elle doit faire face à des modèles concurrents comme la célèbre Ford T. Dans un ouvrage de Gaston Sencier paru en 1911, la voiture électrique est décrite comme parfaite… sauf en ce qui concerne ses batteries. « Légèreté, grande capacité spécifique et solidité ; ce sont les trois grosses difficultés du problème à résoudre, et leur solution n’est pas encore trouvée, bien au contraire, quoique, de tous côtés, surgissent des brevets en nombre incalculable sur des perfectionnements apportés aux accumulateurs. Malgré toutes ces améliorations (sur le papier) on en est toujours au même point ». Loin de rejeter le moteur électrique, l’auteur milite pour un équipement des routes et à bon espoir dans le futur : « En attendant, prenons la voiture électrique telle qu’elle est ; c’est pour le moment une voiture de luxe, et il sera dangereux, tant qu’on aura les accumulateurs actuels plomb-plomb, de vouloir lui faire jouer un autre rôle. D’autre part, la voiture électrique ne sera possible, comme voiture de tourisme, que le jour où les stations de charge marqueront sur les grandes routes des étapes de 60 kilomètres. Telle est la vérité aujourd’hui, la vraie situation. Travaillons tous pour la rendre meilleure, et espérons en l’avenir ». Un enjeu historique qui reste encore aujourd’hui d’actualité !